
Il est parfois trop tard…
Nouvelle écrite dans le cadre du prix littéraire « Écrire au féminin ». Les seules conditions pour participer à ce concours étaient de n’avoir jamais été édité, sauf en auto-édition, de n’avoir jamais gagné un prix aufeminin et de proposer une histoire de 3000 signes inspirées par l’une des thématiques proposées. J’ai choisi le thème : « Dans le regard de ma fille« .
— Je dois vraiment être foutue, si tu l’amènes ici !
Cette phrase, que j’ai lâchée lors de notre dernière rencontre, il y a une semaine – encore une fois, sans y penser – avait fait mouche. Les yeux de ma fille s’étaient voilés d’une tristesse lasse. Mais elle n’avait rien répondu. Finalement, je crois que je préférais quand elle se mettait en colère. Au moins, ça me donnait le sentiment d’exister encore un peu à ses yeux.
Par le passé, nous n’avons jamais vraiment réussi à trouver ce qu’on appellerait un terrain d’entente. Nous avons évolué, côte à côte, comme chien et chat. Pourtant, nous nous ressemblons bien plus que ce qu’elle veut croire. Elle a hérité de mon imagination hyper-fertile, de mon extra-sociabilité et de mon nez busqué. Elle aussi, babille sur tout et souvent n’importe quoi, sous prétexte d’éviter les vrais sujets.
Comme celui qui prenait autant de place qu’un éléphant dans la pièce ce jour-là.
Ne pas prononcer le mot de peur qu’il ne devienne réalité.
Aujourd’hui, le lieu est tout aussi glauque, même si je dois reconnaître l’effort de décoration pour humaniser quelque peu ce lieu sordide. Je trône au centre de la pièce – il faut dire que j’ai toujours aimé attirer l’attention. Une autre chose que j’ai transmise à ma fille. Mais cette fois, elle me laisse la place. A sa décharge, je ne lui ai pas vraiment laissé le choix.
Elle est venue seule. Elle ne l’a pas amené. Je ne sais presque rien de lui, mais il a l’air d’un gentil garçon. Même s’il n’a pas la langue dans sa poche, lui non plus. C’est dommage, nos repas auraient été animés si nous avions pu nous croiser plus d’une fois. Et dans d’autres circonstances.
La petite, non plus, n’est pas là. Je la comprends, ce n’est pas vraiment Disneyland ici. A part la musique d’ambiance piquée à une compagnie d’ascenseur, il règne un silence de mort que personne n’ose troubler.
Je ne comprends pas pourquoi ma fille reste debout. Il y a des chaises pourtant le long du mur. Mais elle ne semble pas savoir quoi faire ni quoi dire. Aucune de nous ne parle. Pour elle comme pour moi, c’est une première. J’aurais tant de choses à lui dire mais j’ai laissé passer ma chance.
Elle s’approche et je sens son regard posé sur moi. Il en dit tellement et pourtant pas assez. La semaine dernière, elle m’a tendu la main. En réalité, elle m’a tendu une lettre. Dans laquelle elle m’écrivait tout ce qu’elle n’a jamais pu, ou su, me dire. J’aurais dû lui répondre. Tant que j’avais encore le temps.
— Si vous êtes prête, c’est l’heure, dit un homme qui se tenait dans un coin de la pièce et que je n’avais pas remarqué.
Ma fille laisse échapper une larme et acquiesce lentement tout en fermant les yeux. Elle se penche au-dessus de moi et dépose un léger baiser sur mon front.
Juste avant que l’ouvrier des pompes funèbres ne referme le couvercle du cercueil dans lequel je vais reposer pour l’éternité.

NaNoWriMo & challenge d'écriture

Première fois
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